En tant que carrefour de l’égalité des genres, le féminisme est au coeur des missions et valeurs de l’asbl Amazone. En effet, nous avons pour objectif principal de contribuer à l’instauration d’une société à la fois féministe et égalitaire. Mais qu’est-ce que le féminisme ? Quelles sont ses origines et pourquoi est-il si important ? L’article ci-dessous se penche sur les racines des mouvements féministes, leur signification et bien plus encore.
Une définition précise ?
Définir le féminisme n’est pas chose aisée. Le mouvement peut être considéré comme une sorte de patchwork, comprenant un large éventail de points de vue, de perceptions et de définitions. Il est néanmoins possible d’identifier un fil conducteur parmi l’ensemble des mouvements qui s’identifient comme féministes. Chaque mouvement féministe est ancré dans le même principe fondamental : la poursuite de l’égalité des genres. Même si la compréhension de ce qu’implique le féminisme peut varier selon la période, le lieu ou les croyances et les expériences personnelles, la lutte contre la discrimination fondée sur le genre reste l’objectif principal de tous les mouvements féministes.
Mouvements féministes
Les historien⸱nes font souvent référence à des «vagues» pour essayer d’illustrer la progression des divers mouvements féministes au fil du temps, y compris leur émergence, leur apogée et leur éventuel déclin. Cette méthode est souvent critiquée, principalement en raison d’une simplification excessive de la réalité. Néanmoins, les vagues sont un outil utile pour décrire les origines et l’évolution du mouvement. Dans cet article, nous utilisons ce terme pour décrire l’histoire générale et le développement du féminisme, mais nous évoquerons aussi les critiques qui lui sont faites et les raisons pour lesquelles il est important de les prendre en compte.
Initiatives individuelles – vague zéro
La vague zéro n’est pas un terme couramment utilisé dans l’étude du féminisme mais il est crucial de reconnaître que le féminisme a été présent tout au long de l’histoire. La première «véritable» vague féministe est apparue au XVIIIe siècle, mais les idées féministes existaient déjà bien avant cette date. Historiquement, les femmes ont toujours été moins bien traitées que leurs pairs masculins, et la résistance suit généralement l’oppression. Cependant, la création d’un mouvement féministe unifié s’est révélée difficile au fil du temps. L’accès restreint à l’éducation et à la liberté individuelle a freiné l’évolution d’un cadre de pensée unifié jusqu’au XVIIIe siècle.
Les femmes, citoyennes de seconde zone – la première vague féministe
À partir du XVIIIe siècle, un groupe très restreint de femmes blanches fortunées accède pour la première fois à l’éducation. Malgré l’importance accordée par le siècle des Lumières à l’égalité entre hommes à cette époque, les femmes étaient toujours considérées comme des citoyennes de seconde classe et non comme leurs égales. Les progrès académiques de certaines femmes ont remis en question cette idée. Au XIXe siècle, cette remise en question donne naissance au premier mouvement féministe organisé. Leur objectif principal est d’atteindre l’égalité formelle et de garantir aux femmes le droit de vote. C’est également à cette époque que les premières associations de femmes commencent à émerger. Leurs protestations, auparavant dispersées, se joignent et se professionnalisent, permettant ainsi de progresser dans la lutte pour l’égalité. L’utilisation des vagues comme symbole du mouvement féministe prend ici tout son sens. Malgré la quête constante de l’égalité, des fluctuations peuvent être observées au fil du temps. Par exemple, les deux guerres mondiales ont favorisé un environnement plus équilibré pour les femmes : étant donné que les hommes étaient au front, les femmes se sont emparées de fonctions essentielles au bon déroulement de la société. Ces périodes historiques sont considérées comme le sommet d’une vague, au cours duquel femmes acquièrent des droits sans précédent. Alors que l’entre-deux-guerres est généralement considérée comme une période de libération, caractérisée par l’évolution de la mode et des fêtes extravagantes à la Gatsby, nous assistons plutôt à une régression pour les femmes, contraintes de retourner à des rôles plus conventionnels. Les guerres mondiales et l’entre-deux-guerres sont incontestablement des périodes cruciales pour la lutte pour l’égalité des genres. Le rôle décisif des femmes lors de ces événements historiques participe d’un renversement de la tendance. Après 1945, les nations d’Europe occidentale accordent graduellement aux femmes le droit de vote, marquant une avancée significative pour les droits des femmes.
Les années 60 et l’essor de la laïcité : la deuxième vague du féminisme
Les années suivant la Seconde Guerre mondiale ont été caractérisées par la reconstruction et la renaissance de l’Occident. La liberté individuelle est au coeur des préoccupations, les années 1960 et 1970 étant marquées par la musique, le mouvement hippie et la sécularisation de l’Église. La liberté individuelle devient un sujet central du mouvement des femmes. Le féminisme connaît une résurgence, avec l’émergence de nouvelles thématiques ainsi que les progrès médicaux et technologiques favorisant un nouveau sentiment de libération. La contraception permet aux femmes de prendre leurs propres décisions concernant la procréation, tandis que des innovations telles que les machines à laver réduisent considérablement le temps consacré aux tâches ménagères. Les sujets clés de cette époque incluent l’avortement, la liberté sexuelle et le droit à l’égalité salariale.
Le féminisme noir et LGBTQIA+ – la troisième vague du féminisme
Les grandes avancées technologiques du XXe siècle ont un impact significatif sur la vie quotidienne. La mondialisation et la modernisation favorisent une société plus inclusive, qui s’applique également au féminisme. Le féminisme, qui auparavant attirait uniquement les femmes blanches d’Europe occidentale, voit l’émergence de branches alternatives dans les années 1990. L’équation binaire sur laquelle reposait auparavant le féminisme est désormais considérée comme trop simpliste pour une société en pleine mondialisation. C’est à la miltante afro-américaine Kimberlé Crenshaw que l’on doit l’existence du terme «intersectionnalité ». Cette notion se base sur le fait que des individus appartenant à plusieurs groupes minoritaires subissent simultanément différentes formes de discrimination. Par exemple, une personne noire et de genre féminin subit les conséquences négatives des deux formes d’oppression. Cette découverte est à l’origine d’un nouveau mouvement, d’abord au sein du monde universitaire, puis s’étendant aux sphères communautaires et militantes. Le féminisme noir trouve ses racines dans cette évolution. Ce mouvement milite spécifiquement pour l’inclusion des femmes racisées, un groupe auparavant exclu des mouvements féministes. Les mouvements LGBTQIA+ ont également rejoint cette nouvelle dynamique, mettant l’accent sur l’égalité pour tous les genres et les orientations sexuelles. Cette vague féministe se concentre donc principalement sur les questions d’intersectionnalité, de sexualité et d’identité.
#MeToo : une quatrième vague ?
Une nouvelle fois, les avancées technologiques entraînent des changements dans la société. La numérisation et la mondialisation atteignent un pic (temporaire), s’accompagnant d’une diversification et d’une individualisation au sein de la société. Certain⸱es expert⸱es qualifient cette période de quatrième vague féministe. Avec l’émergence des médias sociaux, le combat féministe investit le domaine numérique, lui permettant ainsi de gagner en visibilité. Le mouvement #metoo, par exemple, met en lumière la capacité d’Internet à opérer des changements profonds et qui dépassent les frontières.
Néanmoins, la digitalisation vient aussi avec son lot d’obstacles. Le monde numérique offre une tribune aux voix antiféministes, exposant les enfants, dès leur plus jeune âge, à des idées et des points de vue plus ou moins dominants. Le féminisme devra retrouver sa place dans cette société en pleine mutation. Seul le temps nous dira si l’on peut effectivement parler ici d’une quatrième vague féministe.
Critique du concept de vague
La méthodologie ayant recours à la notion de «vagues» féministes permet un aperçu historique relativement clair du féminisme. Cependant, diverses voix s’élevent contre ce terme. Certain⸱es estiment que la représentation de l’histoire féministe par vagues est trop simpliste et conduit à négliger les mouvements moins dominants et moins visibles. La définition actuelle des vagues féministes offre une perspective principalement eurocentrique, laissant de côté les initiatives féministes dans d’autres parties du monde. Les critiques mettent en avant la coexistence de diverses formes de féminisme et soulignent que la lutte pour l’égalité se poursuit de manière continue à l’échelle mondiale.
Les critiques soulignent également que les objectifs de la deuxième vague n’ont pas été pleinement atteints. Malgré les efforts constants des féministes du monde entier, l’égalité entre hommes et femmes n’a pas été atteinte dans la société d’aujourd’hui. Cela remet en question l’existence même d’une troisième ou d’une quatrième vague. Par conséquent, bien que le recours à la notion de vagues féministes soit courant, il est essentiel de tenir compte de ces critiques dans l’étude et la compréhension du féminisme et de son évolution historique.
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Sara-Lynn Milis
Projets et centre de ressources